Memory Box III
installation et texte

72cmX72cm (28,3 inches X 28, 3 inches)

Memory Box III

 

Berlin. Unter den Linden. Sous les Tilleuls. Belle avenue ombragée. Le soleil, froid comme une lame. Je marche vers la porte de Brandebourg. Je sais parfaitement que je ne me dirige pas vers la porte de Brandebourg. Là-bas, derrière, plus loin. Vers la gauche, je crois. Je marche. Ce qui étreint, se relâche, aurai-je le souffle. Des images, des poussées, La Fondation Willy Brandt, les drapeaux rouges, noirs, le gai touriste me frôle, il a tout oublié, les foules transportées, défilés, cette ferveur qui me hait, une fille sourit à son fiancé, elle pose, le voyage à Berlin, tu te souviens, c’était bien, uniformes, demain devant eux, mains tendus vers un nouvel avenir, dont je ne suis pas. Le passé, le présent. Je ne me réconcilierai donc avec rien.

Le mur d’appareils photos est achevé. J’ai laissé les Box mutiques à cette femme qui les voulait. Je ne suis qu’un passeur. Ci-gisent les années 30 et 40. C’est ce que j’aurais dû inscrire en épitaphe. Leurs yeux éteints, mémoire rayée. Memory box. Les regards perdus, toutes les absences. Que celui qui passe, se souvienne. Je n’ai rien voulu d’autre.

Berlin. Unter den Linden. Sous les Tilleuls. Je marche. Au cimetière de Bagneux, il y a une Allée des Tilleuls que je peine toujours à retrouver. Tu es là-bas et tu n’y es pas. J’y vais parfois prendre un thé avec toi. Chaque deuil rappelle tous les autres. Quand ai-je pensé cela pour la première fois. Ici, je ne suis jamais venue. Il vaut mieux que tu n’y sois pas. Tu aurais cherché à me détourner. Me protéger. A transmettre et ignorer. Que peux-tu contre ce qui a été. Je marche vers la porte de Brandebourg. Je sais parfaitement que je ne me dirige pas vers la porte de Brandebourg. Là-bas, derrière, plus loin, des stèles qui ressemblent aux miennes. Je m’en rends compte ici, maintenant, en marchant. Rien n’est réel de ce que je vois.

 

 

Géraldine Cario SPFP

 Paris, septembre 2012

Thibaut Bertrand – Trystero.fr